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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 14:30

Sainte Colette et son temps

 

Par delà les murs de ses monastères réformés, Colette voyait la chrétienté en désarroi ; vraie fille de l'Église, elle souffrait du schisme qui en déchirait l'unité.

 

Si elle s'adressa à Benoît XIII au début de sa réforme, c'est que, dans l'incertitude sur l'obédience à laquelle il fallait se rattacher, elle suivit la France entière, qui avait évidemment reconnu le pape d'Avignon ; mais dès les décisions connues du concile de Pise, elle fit ratifier par Alexandre V, l'élu du concile, les faveurs reçues précédemment de Benoît XIII. Chose étrange au premier abord, le 1er juin 1412, elle reçut encore de ce dernier la bulle Devotionis tuae sinceritas, lui octroyant divers pouvoirs pour l'établissement de sa réforme ; mais le 25 septembre de la même année, elle en obtenait une aussi de Jean XXIII, successeur d'Alexandre V. Que penser de ces hésitations, sinon qu'elles témoignent de l'angoisse d'une âme droite désireuse d'aller au vrai représentant du Christ sur terre ?

 

Mue par ces sentiments, Colette travailla de tout son pouvoir à l'extinction du schisme, par la prière et la pénitence toujours, parfois aussi par l'action. C'est ainsi qu'elle accueillit l'ardent dominicain aragonais Vincent Ferrier, lequel à la suite d'une révélation sur la sainteté de Colette s'en vint en France pour conférer avec elle, selon l'ordre de Dieu, sur les affaires de l'Église et particulièrement sur le schisme. Les deux saints se rencontrèrent à Auxonne les 17, 18 et 19 avril 1417, et quelques mois plus tard, à Poligny. C'est d'alors que date leur lettre aux Pères du concile de Constance, si tant est que cette lettre ait jamais été écrite, car, si rien n'est plus vraisemblable, on n'en trouve cependant aucune trace dans les documents franciscains, ni dans les actes des conciles du XVe siècle. Quoiqu'il en soit, cette année même prit fin le schisme par l'élection de Martin V.

 

Lorsqu' après la mort de celui-ci le concile de Bâle (1431) déposa le pape légitime Eugène IV, adversaire de la théorie conciliaire, Colette multiplia les démarches pour obtenir de l'antipape Félix V une promesse de désistement. Si jamais elle fut donnée - des doutes subsistent sur le résultat d'une entrevue à Lons-le-Saunier - cette promesse ne fut certainement pas tenue. Colette alors défendit à ses filles, notamment à celles d'Orbe et de Vevey, de reconnaître l'intrus. Cette interdiction pouvait être dangereuse : Félix V n'était autre que le duc Amédée VIII de Savoie, souverain de Vevey et d'Orbe, jusque-là protecteur des deux couvents. La protection eût pu se muer en représailles ; il n'en fut rien. Colette pourtant ne vit pas sur terre le succès de ses efforts : Félix V renonça à la tiare, mais en 1449 seulement, deux ans après la mort de Colette.

 

Fille de l'Église, Colette fut aussi fille de France.

 

À une époque où le sentiment de la patrie « une » existait si peu encore que, pour des ambitions particulières, Armagnacs et Bourguignons s'entre-déchiraient, que ces derniers allaient jusqu'à vendre aux Anglais le royaume de France, la réformatrice planait au-dessus des partis. La maison de Bourgogne, celle de Bourbon l'appelèrent successivement pour fonder des monastères.

 

À la cour de Bourgogne, elle entretint avec la duchesse Marguerite de Bavière une intime amitié ; elle inspirait en même temps au duc Jean sans Peur une telle vénération qu'il passait outre à l'avis de ses conseillers pour satisfaire aux demandes de la fondatrice. En retour, celle-ci ne craignait pas de l'exhorter à changer de vie et - si l'on en croit Sœur Perrine - elle réussit une fois à le dissuader de livrer une bataille dont, par révélation, elle connaissait l'issue malheureuse. Après l'assassinat du duc, elle s'empressa auprès de la duchesse.

 

C'est au moment de la fondation de Seurre (1421-1423), sollicitée par Marguerite de Bavière pour le repos de l'âme de Jean sans peur, que parvint à Colette la demande, par la duchesse de Berry, d'un établissement de clarisses à Moulins (1421-1425). Malgré la tension entre les deux maisons princières, Marguerite consentit au départ de la réformatrice pour le Bourbonnais. Là aussi, de sa protectrice, Colette se fit une amie.

 

Aux portes de la France, elle traita avec la même aisance avec les deux maisons rivales de Genève et de Savoie. Il n'y eut qu'un parti avec lequel elle ne voulut jamais composer : c'est le parti anglais, l'ennemi du moment. Ses premiers essais d'établissement en Picardie (1406) se situent bien avant la reprise de la guerre ; ses fondations à Hesdin (1437-1440), à Amiens (1442-1444), ses dernières tentatives à Corbie (1445) sont postérieures au traité d'Arras (1435).

 

Une légende a couru sur une visite de Colette à Jeanne d'Arc encore au berceau, sur le don à la future libératrice de la France d'un anneau d'or reçu du ciel par la mystique franciscaine. Tout cela n'est qu'imagination. Mais il serait très possible que les deux grandes Françaises se fussent rencontrées en 1429. Les documents prouvent qu'à cette date Colette était à Decize, Jeanne d'Arc à Moulins ; que Colette envoya un messager à Saint-Pierre-le-Moutier pour s'enquérir de l'armée de Jeanne. De plus, leur commune protectrice, Marie de Berry, eût pu leur favoriser une entrevue. Autant d'arguments rendant vraisemblable l'hypothèse... mais aucun texte ne permet d'arriver à une certitude.

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