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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 16:34

 

 

1844 - Le règne du fils de Philippe Egalité touche à sa fin. Une partie des éléments révolutionnaires qui se sont servis de lui en 1830 ont acquis la force suffisante pour réclamer ouvertement la république.

L'héritier de nos rois est en exil, à Göritz. Depuis le 2 juin, c'est Mgr le duc de Bordeaux. Il a succédé à son oncle, Louis XIX, dont la grande ambition avait été de préparer son neveu à son futur métier de roi. Henri V n'a que 24 ans. Les légitimistes, durement éprouvés par les persécutions philippardes se sont donnés rendez-vous ce dimanche 29 septembre, jour anniversaire du jeune roi, à Sainte-Anne d'Auray pour prier à son intention.

 

*Une tradition dans la Maison de France*

Pourquoi à Sainte Anne d'Auray ? En partie, sans doute, parce qu'ici les légitimistes sont encore nombreux. Mais il faut en rechercher les raisons profondes ailleurs, dans la longue tradition qui a lié la famille royale au sanctuaire de Sainte Anne. En 1628, la reine, Anne d'Autriche, demande de faire à Sainte Anne d'Auray des prières publiques et quotidiennes pour obtenir un héritier. Après la naissance de son fils, en 1639, Louis XIII accorde au pèlerinage une relique de Sainte Anne. Dès lors, ce fut une tradition dans la Maison de France de recommander à Sainte Anne la naissance des princes. En 1644, Henriette de France, reine d'Angleterre vient dans ce village breton dont la renommée s'étend désormais à toute la chrétienté. Elle peut s'entretenir

avec le voyant, Yves Nicolazic. Les visites et les interventions de membres de la famille royale vont jalonner l'histoire du sanctuaire. Louis XIV, la Grande Dauphine, le duc d'Angoulême, la duchesse d'Angoulême, la duchesse de Berry, etc., témoignent de cette fidélité.

En 1795, alors que les révolutionnaires occupent encore le pays, des rassemblements ont lieu à quelques kilomètres de Sainte-Anne, au Champ des Martyrs, là où Hoche a fusillé quelque cinq cents des prisonniers à qui, pour hâter la reddition de Quiberon, il avait promis la vie sauve.

Le respect dû aux morts et la fidélité à la cause défendue par les combattants de la liberté ne craignent pas les menaces des sans-Dieu.

En 1815, avec le retour des Bourbons, les rassemblements se font autant à Sainte Anne qu'au Champ des Martyrs.

 

La naissance d'un pèlerinage

Mais ce qui était quasi spontané, l'expression naturelle de la foi et de la fidélité, devient, à partir de 1844, une démarche systématique, organisée. Les légitimistes viennent à Sainte Anne demander à la mère de Marie et à saint Michel de protéger la France et de guider son roi. Un pèlerinage est né. " Bientôt, écrit le chanoine Cadie, l'un des responsables du sanctuaire, tous les royalistes se donnèrent rendez-vous à Sainte Anne d'Auray le 29 septembre et la fête devint

purement royaliste." Elle prit même "de plus en plus d'extension, surtout en 1875, 1876."

En 1889 fut créée une société‚ dans le but d'ériger, par souscription, un monument à la mémoire du Comte de Chambord. Hélas, les rangs légitimistes se sont éclaircis, les fonds sont difficiles à réunir et il faudra attendre quelques années pour voir le monument et son enclos tels qu'ils nous apparaissent encore aujourd'hui. Chaque année, les "fidèles", les blancs d'Espagne, viennent rendre hommage à celui qui leur avait appris "/Ma personne n'est rien, mon principe est tout/".

Ceux qui avaient oublié la recommandation étaient passés à la république ou à l'Orléanisme. En 1913, c'est le 70^e pèlerinage. Les participants sont approximativement le même nombre que l'année précédente, le nationalisme maurrassien n'a aucun effet sur ce dernier carré. Leurs

convictions et leur détermination laissent même entrevoir plus qu'un maintien, un renouveau. La terrible guerre qui va éclater le 3 août 1914 en décidera autrement.

Nous avons arrêté notre histoire du pèlerinage légitimiste en 1913 (La Gazette Royale N' 48 Janvier - février 1992).

Avant d'en reprendre le cours, il peut être intéressant de rappeler ici l'importance religieuse de Sainte-Anne d'Auray.

    

Yves Nicolazic

La première apparition date de 1623. Le voyant, Yves Nicolazic, vit au village de Ker-Anna en Pluneret, près d'Auray.

Rien ne distingue ce cultivateur de ses voisins si ce n'est sa droiture et la ferveur de sa foi. Il est estimé de tous pour sa sagesse et son bon sens. Excellent chrétien, il se rend régulièrement aux offices de la paroisse ; on le voit souvent le chapelet à la main. Il a surtout une

grande dévotion envers Sainte Anne qu'il appelle sa "Bonne Patronne".

 

Premières manifestations

C'est alors qu'il pense à elle qu'une nuit sa chambre se trouve subitement éclairée d'une lumière très vive. Nicolazic aperçoit distinctement une main isolée qui tient un flambeau de cire. Cette vision dure le temps de réciter deux Pater et deux Ave.

Six semaines plus tard, un dimanche, une heure après le coucher du soleil, il jouit du même spectacle au champ du Bocenno. C'est encore la même clarté, le même cierge suspendu au milieu de l'air, mais la main mystérieuse ne parait pas et la vision dure moins longtemps.

Pendant plusieurs mois, Nicolazic reverra le même flambeau. Un soir d'été, son beau-frère, Jean Le Roux, et lui vont à l'insu l'un de l'autre, chercher leurs bœufs dans un pré voisin de la fontaine située en contrebas du Bocenno. Avant de les ramener, ils les font passer à l'abreuvoir. A quelques pas d'eux, les deux hommes aperçoivent une dame majestueuse, debout, vêtue de blanc et tenant en main un flambeau allumé.

 

Le message de sainte Anne

Le 25 juillet 1624, veille de la fête de sainte Anne, Nicolazic s'est rendu à Auray pour se confesser chez les Pères Capucins. Sur le chemin de retour, la dame lui apparaît soudain ; elle l'appelle par son nom et prend la direction du village. Le flambeau qu'elle porte à la main guide

ses pas dans la nuit. A l'approche de la ferme, la vision disparaît. Vivement impressionné, il ne peut manger et se retire dans sa grange où il prie. Vers onze heures, une grande clarté envahit la grange et la dame, plus resplendissante que jamais, apparaît. Elle lui dit : Yves Nicolazic, ne craignez point. Je suis Anne, mère de Marie. Dites à votre recteur que, dans la pièce de terre appelée le Bocenno, il y a eu autrefois, même avant qu'il y eut aucun village, une chapelle dédiée en mon nom. C'était la première de tout le pays ; il y a 924 ans et 6 mois qu'elle a été ruinée. Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin. Dieu veut que j'y sois honorée.

 

Les hésitations

Resté seul, Nicolazic s'endort plein de joie. Mais à son réveil le lendemain matin, en réfléchissant aux difficultés de sa mission, il se laisse aller au découragement. A plusieurs reprises, sainte Anne revient éclairer et confirmer le pieux voyant qui s'enhardit jusqu'à lui soumettre ses difficultés : Ne vous souciez pas, lui dit-elle, de ce que diront les hommes, accomplissez ce que je vous ai demandé et comptez sur moi pour le reste. Plusieurs démarches auprès du recteur de Pluneret restent vaines. Le lundi 3 mars 1625, à la tombée de la nuit, sainte Anne apparaît à

Nicolazic avec plus de solennité que d'habitude au champ du Bocenno. Non seulement elle est entourée de lumière comme toujours mais des chants d'une merveilleuse douceur retentissent aussi dans le cortège invisible dont elle est accompagnée. Elle lui déclare que le temps des délais est terminé et le presse d'agir. Faites donc quelque miracle, ma Bonne Patronne, afin que tout le monde connaisse votre volonté. - Allez, dit sainte Anne, confiez-vous en Dieu et en moi ; vous en verrez bientôt en abondance et l'affluence du monde qui me viendra honorer en ce lieu sera le plus grand miracle de tous.

 

La découverte miraculeuse

La nuit suivante 7 mars, vers 11 heures, la Sainte se montre à nouveau et dit : Yves Nicolazic, appelez vos voisins ; menez-les avec vous au lieu où ce flambeau vous conduira. Vous y trouverez l'image qui vous mettra à couvert du monde, lequel connaîtra enfin la vérité de ce que je vous ai promis. Accompagné de plusieurs voisins, Nicolazic se laisse guider par le flambeau jusqu'au Bocenno. Là, les paysans voient la lumière s'élever et redescendre par trois fois avant de disparaître en terre. Jean Le Roux se met aussitôt à creuser et dégage rapidement une pièce de bois. C'est une vieille statue toute défigurée, enfouie là depuis des siècles. On la considère quelques instants puis on l'adosse respectueusement contre le talus voisin.

 

L'enquête épiscopale

Les événements de Ker-Anna sont vite connus Les pèlerins affluent de toutes parts provoquant la fureur du recteur et de son vicaire. Cependant, cette affluence oblige l'autorité épiscopale à se saisir de l'affaire. Pendant plusieurs mois, Yves Nicolazic sera soumis à de multiples interrogatoires à l'évêché ou chez les Pères Capucins. La bonne foi du Voyant - jamais il ne se contredira -, le nombre croissant de pèlerins, leur dévotion et leur générosité ont raison de la prudence ecclésiastique. Mgr de Rosmadec accorde la permission de construire la chapelle demandée par Sainte-Anne.

La première pierre est bénite le 26 juillet 1625 et la première messe célébrée par Dom Rodoue, le recteur de Pluneret, devant une foule immense. Le pèlerinage est fondé.

 

La construction du sanctuaire et les premiers pèlerins

Pendant deux années, Nicolazic sera le trésorier de l'entreprise et le directeur des travaux. En 1628, les Carmes prennent la suite, ils finissent la chapelle puis entreprennent la construction d'un monastère et de la Scala Santa. Ils font aménager la fontaine et une esplanade.

Les faveurs et les miracles obtenus par sainte Anne sont nombreux et rapidement les murs de la chapelle se garnissent d'ex-voto.

Parmi les pèlerins de Sainte-Anne, un homme hors série mérite une mention spéciale, Pierre de Kériolet, compatriote et contemporain du Voyant. Pêcheur scandaleux, libertin, criminel, renégat, il décide de se rendre à Loudun. Curiosité ? Désir de se mesurer au diable ? Celui-ci,

par la bouche d'une possédée, lui reproche d'être injustement protégé par la Vierge Marie. Le débauché a, en effet, conservé l'habitude de dire un Ave tous les soirs avant de se coucher. Kériolet se convertit, devient un pénitent exemplaire, un prêtre entièrement donné au service

des pauvres. Pèlerin parmi les pèlerins qu'il édifie, il meurt en 1660 chez les Carmes.

 

Les tribulations

Pendant la révolution, la chapelle est pillée, la statue découverte par Nicolazic et son beau-frère est emportée à Vannes et brûlée en 1797. Il n'en restera qu'un débris, arraché aux flammes.

En 1864, la chapelle apparaît délabrée. Elle est aussi insuffisante pour accueillir la foule des pèlerins. Nicolazic l'avait souhaitée "grande comme une cathédrale ", elle est remplacée par une belle et grande construction à qui le pape Pie IX décerne le titre royal de Basilique mineure. En 1914, saint Pie X donne officiellement sainte Anne comme " Patronne/" à toute la Bretagne.

En 1922, Sainte-Anne d'Auray devient la Cité du souvenir. Une nouvelle esplanade est tracée à proximité de la basilique, au fond s'élève un monument à la mémoire des 240 000 Bretons morts pour la France pendant la guerre de 1914.

Frappée par la foudre, la statue de Sainte-Anne qui surplombait la basilique est déposée en 1975 et placée dans un parc. Elle est remplacée par une statue haute de 6m3O, une majestueuse Sainte-Anne tenant à la main le flambeau, telle qu'elle apparut à Nicolazic.

 

La nuit légitimiste

Le flambeau, la lumière qui montre le chemin dans la nuit ; c'est l'un des symboles de ce pèlerinage. A Chartres, il y a la marche à la cathédrale. A Sainte-Anne d'Auray, il y a la marche à la lumière.

Ils avaient bien besoin d'être éclairés par le flambeau de sainte Anne ces légitimistes qui se rendaient encore, entre les deux guerres, au pied du monument du Comte de Chambord. La nuit légitimiste a dû leur paraître bien longue à ces fidèles. Certains, par besoin d'action ou "en attendant", sont allés grossir les rangs de l'Action Française. Peut-être leur devons-nous les réunions que le mouvement de Maurras organisera à 2 km de Sainte-Anne, au Champ des Martyrs. De véritables rassemblements qui regroupent 7 à 8 000 personnes mais, en 1928, à la

suite d'un discours, jugé maladroit, de l'amiral Schwerrer, l'autorité religieuse interdit la manifestation.

En 1950, un petit groupe de jeunes, "La Mesnie", essaie de renouer avec la tradition. En vain ! Peu à peu l'oubli s'installe dans la cité de Sainte-Anne, le monument du Comte de Chambord menace ruine.

A la fin des années 70, les habitants du petit bourg breton auraient eu bien du mal à prendre au sérieux celui qui leur aurait annoncé le retour prochain des légitimistes.

 

Le retour des légitimistes

Le dernier pèlerinage avait eu lieu en 1913, soixante-dix ans après son instauration. Soixante-dix ans, c'est aussi le temps de son interruption. Un temps marqué d'abord par un repli du mouvement à l'intérieur de quelques cercles restreints, complètement ignorés du public. Puis, en 1941, c'est l'avènement de Mgr le Duc d'Anjou et de Ségovie. Avec lui, quelques fidèles reprennent espoir. La Gazette Royale sort en 1957 ; elle ne vivra que quelques années. Cependant un élan a été donné.

En automne 1979, Gérard Saclier de la Bâtie fonde avec quelques amis l'Union des Cercles Légitimistes de France. L'UCLF sera l'initiatrice du renouveau de la journée légitimiste à Sainte-Anne d'Auray. Une occasion se présente, en 1983, pour le centième anniversaire de la mort d'Henry V. Le 25 septembre, l'Union, aidée de quelques autres associations, organise une cérémonie au pied de la statue du Comte de Chambord.

Le succès de la journée -une participation de près de 200 personnes- incite les organisateurs à renouer avec la tradition et c'est avec le même enthousiasme que 150 légitimistes se retrouvent à Sainte-Anne d'Auray le dimanche 30 septembre 1984. Faute d'une structure légitimiste bretonne (les premiers cercles bretons sont réapparus en mai et juin 1984), l'Association de la Chouannerie mayennaise a, comme en 1983, pris tous les contacts nécessaires pour la préparation de la journée.

La messe est célébrée à la chapelle du Reclus à Kerléano (Auray). Viennent ensuite le dépôt de gerbe au monument du Comte de Chambord et la lecture du message de Mgr le Duc d'Anjou par Gérard Saclier de la Bâtie.

A l'issue du déjeuner, Alain Jossinet fait un brillant exposé sur le pardon accordé par le prince Henri à ses cousins d'Orléans. Il appartient au président de l'U.C.L.I. de clôturer cette journée, il

appelle tous les légitimistes à défendre le principe de la monarchie catholique traditionnelle, il leur adresse une mise en garde contre toute concession à l'erreur et il invite chacun à la patience et à la cohérence.

 

La Gazette Royale (N°5 de la nouvelle série) rendra compte de la journée.

La tradition est rétablie. Les temps forts sont à nouveau solidement ancrés dans le renouveau légitimiste. Les fidèles se fortifient à la même messe que leurs ancêtres en 1844. Les responsables rappellent inlassablement les principes qui ont si bien guidé dans son action le comte de Chambord. Le cadre est fixé, l'organisation et l'ordonnancement de la journée vont pouvoir évoluer au fil des ans.

 

L'organisation du pèlerinage

En 1985, le cercle du Vannetais, adhérant de la toute nouvelle fédération des cercles légitimistes de Bretagne, propose aux légitimistes de commencer la journée par une marche, un pèlerinage de Vannes à Sainte-Anne d'Auray. Une quinzaine de courageux se réunissent à l'aurore, place de la Madeleine à Vannes. Chapelets, cantiques et chants chouans alternent sur cette route vers la lumière de Sainte-Anne. Le R.P. Lidy accueille l'assemblée dans sa chapelle du Reclus. Devant le

monument, la lecture du message du prince par Alain Jossinet est suivie de quelques chants royalistes interprétés par une chorale improvisée. Comme au 19^e siècle, le repas est pris à l'hôtel restaurant de la Croix Blanche.

Au cours de l'après-midi, l'exposé très applaudi du président de président de l'U.C.L.F. précède une réunion au cours de laquelle la Fédération Bretonne Légitimiste se voit confier définitivement la préparation de la journée légitimiste de Sainte-Anne d'Auray. Le cercle du Vannetais sera le pilier de cette organisation. La décision déclenche l'hostilité de quelques personnes qui s'opposent ouvertement à l'Union dans la fidélité et la vérité proposée par Gérard Saclier de la Bâtie. Le développement de la manifestation légitimiste en sera peut-être ralenti, il ne s'arrêtera pas.

En 1986, la progression est sensible, elle justifie la location d'une salle plus grande dans laquelle le prieur de Lanvallay, Monsieur l'abbé Berrou vient célébrer la messe. Mais l'innovation la plus importante du 28 septembre 1986 est certainement la désignation même de cette journée. Le terme de pèlerinage, abandonné depuis la première période, réapparaît; il qualifiera désormais la manifestation légitimiste de Sainte-Anne.

Le maintien de la marche Vannes – Sainte-Anne inaugurée en 1985, le chapelet récité sur l'esplanade de la basilique, la messe autant que le caractère général de la journée justifient pleinement cette désignation.

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