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17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 22:48

C'est ainsi qu'Odile sanctifiait cette solitude de Hohenbourg. Elle voulait que tout y rappelât la pensée du ciel. Comme elle avait aussi une dévotion spéciale à la sainte Trinité, pour se rappeler d'une manière sensible cet auguste mystère, elle planta de sa main trois tilleuls auprès du monastère. Deux de ces arbres séculaires, qui subsistaient encore en 4681, furent alors détruits par l'incendie qui dévora le monastère.

 

Au milieu des oeuvres saintes qu'on pratiquait à Hohenbourg, une chose importante manquait à la pieuse communauté. Les pieuses filles réunies en ce lieu y pratiquaient la régularité, moins par un engagement explicite que par émulation et par ferveur; en un mot, elles n'avaient pas encore de règle monastique. Quand Odile eut mis la dernière main aux édifices matériels, elle songea à donner à sa communauté des règlements précis, et à réduire en lois ce qui s'était fait jusque-là par imitation et par esprit de piété. Pour cela, elle assembla toutes ses filles afin de prendre leur avis, et leur demanda quel genre de vie elles voulaient embrasser de préférence. Toutes répondirent que la vie la plus austère leur paraissait la plus parfaite, et que leur voeu le plus cher était de marcher sur les traces de leur abbesse, en suivant par obligation la voie étroite qu'elles avaient suivie volontairement jusqu'alors. Cette vie était dure, car Odile ne se nourrissait que de pain d'orge et de légumes; elle ne buvait que de l'eau, excepté les jours de fêtes; elle passait une partie des nuits en prière et prenait à peine quelques heures de repos; elle n'avait d'autre lit qu'une peau d'ours, et n'accordait enfin à son corps que ce qui était absolument nécessaire pour soutenir son existence. Le zèle qu'elle avait pour la sanctification des âmes la porta à entreprendre une nouvelle oeuvre. Les sanctuaires de Hohenbourg étaient visités par un grand nombre de pèlerins. Mais ceux qui étaient infirmes ne pouvaient que difficilement atteindre le monastère, situé au sommet de la montagne. Odile, secondée par les pieuses libéralités de sa mère, Berswinde, fit bâtir pour ces malheureux un hôpital et une église dédiée à saint Nicolas, au pied de la montagne. Malgré la difficulté des chemins, elle visitait ces pauvres tous les jours, les servait avec affection et leur distribuait l'aumône de ses propres mains.

 

Les religieuses de Hohenluourg admiraient le généreux dévouement de leur abbesse. Charmées de ses exemples, elles voulurent avoir part à ses bonnes oeuvres, et la conjurèrent de permettre que quelques-unes d'entre elles l'accompagnassent dans cet exercice salutaire de la charité. Odile y consentit, et, considérant que sa communauté, devenue très nombreuse, se trouvait à l'étroit sur la montagne, elle résolut de choisir celles de ses religieuses qui étaient propres au service des pauvres, et de les transporter dans son nouvel établissement, tout en les maintenant sous sa direction. Elle leur fit donc bâtir une nouvelleéglise, vaste et somptueuse, et la nouvelle communauté prit le nom de Nieder-Minster. Les religieuses changèrent d'habitation sans changer de moeurs ni d'abbesse. Les deux maisons étaient semblables à deux grands arbres qui paraissent séparés au dehors, et qui ont cependant la même racine et le même principe de vie. Sainte Odile continuait à les gouverner avec autant de succès que de sagesse elle se trouvait tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre; le plus souvent dans celle où il y avait le plus à travailler et le plus à souffrir. Mais la maison où elle allait le plus volontiers était l'hôpital de Saint-Nicolas : c'était là comme son jardin de délices, où elle se délassait chaque jour, autant que le lui permettait la conduite de deux communautés nombreuses. L'air qu'on y respirait, tout infecté qu'il était, lui paraissait doux. Ses pieuses filles l'imitaient à l'envi, et faisaient, comme elle, une heureuse expérience du bonheur que l'on goûte lorsqu'on daigne s'abaisser jusqu'à consoler les pauvres et les misérables.

 

Cependant le duc Adalric et sa femme Berswinde étaient déjà fort avancés en âge. Attirés par les vertus de leur fille, ils résolurent de consacrer leurs derniers jours à la prière, et firent savoir à Odile qu'ils voulaient se retirer auprès d'elle, jusqu'au moment où il plairait à Dieu de les appeler à lui. Odile reçut ce message avec joie. Elle savait tout ce qu'il y avait de foi et de piété dans le coeur de ses parents. La duchesse Berswinde s'était toujours distinguée par une vertu sans tache, et si, quelquefois, le duc s'était laissé aller à l'emportement, depuis longtemps il avait su imposer silence à cette passion, et la voix publique proclamait hautement sa piété et sa justice. Adalric se rendit donc à Hohenbourg avec Berswinde. Il y vécut quelques mois dans l'exercice des bonnes oeuvres, et y mourut bientôt, dans les sentiments de la piété la plus vive, entre les bras de sa fille (vers l'an 700). La pieuse Berswinde le suivit peu de temps après dans la tombe,

 

Odile, après 'la mort de ses parents, vécut encore de longues années dans la pratique des vertus les plus sublimes. Un jour, un lépreux se présenta à la porte du monastère pour demander l'aumône. Son corps répandait une odeur infecte, et personne n'osait se résoudre à approcher de lui. Odile, informée de sa présence, vint elle-même pour lui servir à manger. Mais, malgré son courage héroïque, elle recula d'abord à l'aspect repoussant de ce misérable. Puis, surmontant ce premier mouvement de la nature, elle se jette au cou du malheureux, et l'embrasse avec une générosité qui fait frémir les témoins de ce spectacle. Sa charité croissant par cette victoire sur elle-mème, elle lui servit à manger avec une pieuse affection, et, levant les yeux au ciel, elle répétait d'une voix entrecoupée de sanglots, ces charitables paroles « Seigneur, ou donnez-lui la santé, ou accordez-lui la patience ». Sa prière fut bientôt exaucée; la lèpre de cet infortuné disparut, et ceux qui étaient présents louèrent Dieu, qui avait glorifié la charité de sa servante.

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