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17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 22:44

Adalric ignorait le lieu où avait été transportée sa fille; car, pour ne pas l'irriter, on évitait soigneusement de parler d'elle en sa présence. Il y avait bientôt un an que la jeune princesse avait été mystérieusement confiée à sa nourrice, lorsque le bruit se répandit dans la province qu'on élevait soigneusement à Scherwiller une petite aveugle dont les parents étaient inconnus, mais que son air noble et les soins dont on l'entourait indiquaient assez qu'elle appartenait à une grande famille. Quelques-uns même observèrent que la nourrice avait été autrefois au service de Berswinde, et que l'âge de l'enfant répondait parfaitement au temps où l'on avait publié que la duchesse avait fait une fausse couche.

 

La nourrice informa Berswinde de tous ces discours, et celle-ci, craignant que ces bruits ne parvinssent aux oreilles d'Adalric, résolut de faire un nouveau sacrifice pour ne pas l'irriter davantage. Elle ordonna à la nourrice de transporter sa fille au monastère de Baume-les-Dames, dans le comté de Bourgogne, où elle pourrait continuer à l'élever. Ce lieu paraissait plus convenable que tout autre pour servir de refuge à la jeune princesse, parce que la distance la mettrait à l'abri des recherches, et que, de plus, l'abbesse de Baume était la tante de la duchesse Berswinde.

 

La jeune exilée y fut reçue avec joie, et l'abbesse l'entoura de tous les soins qui peuvent suppléer à la tendresse d'une mère. La fille d'Adalric grandit en âge et en sagesse au sein de cette famille adoptive. Son âme ne s'ouvrit que pour connaître Dieu et aimer la vertu. Elle montra, d'ailleurs, une grande douceur de caractère et une facilité étonnante à retenir ce qu'on lui enseignait, de sorte que, dès l'âge de 5 ans, elle était parfaitement instruite des principes de la vie du Chrétien. Privée de la lumière corporelle, elle recevait abondamment cette Lumière d'En Haut, qui éclaire tout homme venant au monde.

 

Nous ignorons le nom sous lequel on désignait alors la fille d'Adalric; car, arrivée à l'âge de 12 ans, elle n'avait pas encore eu le bonheur de recevoir le saint Baptême. C'était peut-être un reste de la coutume suivie au 6ième siècle, où l'on différait le baptême des enfants jusqu'à ce qu'ils eussent atteint l'âge de raison. Quoi qu'il en soit, Dieu parut avoir destiné cette jeune fille à entrer dans la voie des élus par une porte miraculeuse, en lui rendant la vue du corps en même temps que celle de l'âme. En ce temps-là, le bienheureux Erhard était évêque de Ratisbonne, en Bavière. Un jour, il eut une vision dans laquelle Dieu lui dit de se rendre aussitôt au monastère de Baume. et là il trouverait, lui dit la voix d'en haut,  une jeune servante du Seigneur. Elle est aveugle dès sa naissance. Tu la baptiseras, tu lui donneras le nom d'Odile, et au moment de son baptême, ses yeux s'ouvriront à la lumière. Saint Erhard partit sans différer, et au lieude prendre la voie directe, se dirigea du côté des Vosges. Son dessein était de visiter d'abord l'abbaye de Moyen-Moutier, où son frère Hidulphe s'était retiré, après avoir quitté volontairement le siége épiscopal de Trèves. Hidulphe, qui menait en ces lieux une vie angélique, fut charmé de revoir Erhard, et quand il connut le sujet de son voyage, il voulut l'accompagner au monastère de Baume. Les deux Saints trouvèrent la fille d'Adalric parfaitement instruite de tous les dogmes de la religion.

 

Saint Erhard commença la cérémonie. Selon la coutume du temps, il plongea la jeune aveugle dans les eaux sacrées, et saint Hidulphe l'ayant relevée, Erhard lui fit sur les yeux les onctions du saint chrême, en disant : «  Au nom de Jésus-christ, soyez désormais éclairée des yeux du corps et des yeux de l'âme ». Tout le monde était dans l'attente du prodige : ce ne fut pas en vain; le ciel obéit à la voix du saint homme. Saint Erhard imposa à la nouvelle chrétienne le nom d'Odile, c'est-à-dire fille de lumière, ou Dieu est ton soleil; nom glorieux que Jésus-christ lui-même avait indiqué, et qui devait rappeler sans cesse à la fille d'Adalric le bienfait dont elle avait été favorisée par le ciel. Les spectateurs de cette scène, frappés de joie et d'étonnement, bénissaient le Seigneur qui venait dé faire éclater sa miséricorde et sa puissance.

 

Ensuite le saint évêque bénit un voile, qu'il déposa sur la tête d'Odile, et lui fit présent de quelques saintes reliques, en lui annonçant que Dieu lui réservait encore des grâces merveilleuses, si elle se montrait fidèle aux faveurs dont il l'avait comblée en ce jour. Avant de partir, il bénit la jeune néophyte, la recommanda à l'abbesse de Baume et aux religieuses qui avaient veillé sur son enfance, et partit avec son frère Hidulphe. Adalric ne pouvait manquer d'apprendre avec joie le miracle que Dieu avait accompli en faveur de sa fille, et comme l'abbaye de Moyen-Moutier, où résidait Hidulphe, n'était qu'à une faible distance de Hohenbourg, Erhard chargea sort frère de communiquer au duc une si agréable nouvelle, qui devait lui inspirer des sentiments plus favorables envers Odile. Hidulphe se rendit auprès du duc Adalric, lui raconta tous les détails du baptême de sa fille, et réveilla dans son coeur celle affection paternelle que les passions mauvaises rie sauraient jamais étouffer entièrement. Adalric fut enchanté du récit de saint Hidulphe, et pour lui témoigner sa reconnaissance, il donna à son monastère de Moyen-Moutier la terre de Feldkirch, que cette abbaye posséda jusqu'au siècle dernier, Cependant, dit l'historien de la Sainte ,  il ne rappela point Odile chez lui, soit qu'il craignît que la présence de cette fille miraculeuse ne fût pour lui un reproche continuel des duretés qu'il avait eues pour elle, soit qu'il crût qu'il serait mieux de la laisser encore à Baume, auprès de sa tante, afin qu'elle se fortifiât dans la vertu.

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