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30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 22:39

A vingt-quatre ans, elle entrait au couvent de la Visitation de Paray-le-Monial, là où Dieu la voulait, et elle le sentit en franchissant le seuil de la maison. Marguerite, poussée par un attrait invincible, avait voulu être re­ligieuse à Paray-le-Monial, où elle ne connaissait personne, parce que dans la pensée de Dieu elle devait être l'une des plus illustres héritières de l'es­prit de saint François de Sales. Ignorant comme tout le monde les grandes et mystérieuses conséquences de sa vocation, mais guidée par une main in­visible, entre toutes les familles religieuses elle choisit précisément la plus propre à seconder la mission qu'elle doit recevoir un jour de propager dans l'Eglise la dévotion du Sacré-Cœur de Jésus, et d'en faire goûter les doux fruits aux fidèles. Il suffit, en effet, d'ouvrir les œuvres de saint François de Sales, pour voir que tout y respire l'amour du Sacré-Cœur de Jésus, de ce cœur où ce grand Saint fait sa demeure et où il puise, comme à leur vraie source, les douces ardeurs de son zèle, et les tendres empressements de sa charité envers le prochain. Tout était préparé dans cet ordre de la Visita­tion, pour favoriser la mission de Marguerite-Marie. Elle allait rencontrer des âmes accoutumées à reconnaître le doux empire du cœur de Jésus, il lui était réservé de faire décerner à ce cœur un culte solennel et public de réparation, afin de le dédommager de l'indifférence et du mépris des hommes, par qui son amour est si cruellement outragé. C'est là, en effet, toute la dévotion au Sacré-Cœur. 

 

Le monastère de Paray-le-Monial, où venait d'entrer notre Bienheureuse, avait été fondé en 1626, par le P. du Barry, jésuite, à la suite d'une mission donnée dans cette ville infectée des erreurs de l'hérésie. Il y avait fait beau­coup de bien, un grand nombre d'âmes étaient revenues à la vérité, et pour affermir le bien produit, le zélé religieux avait cru devoir fonder un cou­vent de la Visitation. Il fallut, pour y parvenir, vaincre de grands obstacles ; avec de la persévérance et de l'énergie, ils arrivèrent à être tous levés, et la première personne qui y entra, fut Mlle Rosselin, appartenant à l'une des familles les plus considérables de Paray-le-Monial. Une petite colonie était venue de Lyon pour occuper une maison assez incommode, et qu'on avait tant bien que mal transformée en couvent. Bientôt une jeune fille aussi de Paray-le-Monial, qui appartenait à l'une des familles les plus illustres de la ville, et se nommait Mlle Thouvant, suivit son exemple. Il était réservé à ses vieux jours de voir arriver au noviciat Marguerite-Marie, dont elle dirigea les premiers pas. Elle était maîtresse des novices, et la supérieure se nommait la Mère Jéronyme Hersant, professe du premier monastère de Paris, elle accomplissait alors sa sixième année de supériorité.

 

En entrant au noviciat, la Bienheureuse s'estima la dernière de toutes et se soumit avec une entière simplicité aux moindres observances. Notre-Seigneur lui fit goûter toutes les douceurs attachées à son service et fut lui-même le maître qui lui apprit à faire oraison. La Bienheureuse avait soif et faim et désirait vivement être initiée à cette science sacrée. Jésus-Christ, après avoir purifié son âme de toutes les taches qu'elle avait contractées par l'affection des créatures et l'amour d'elle-même, lui inspira un désir si ardent d'aimer et de souffrir qu'elle perdit le repos et ne pouvait plus songer à autre chose. Cependant, sachant que l'obéissance vaut mieux que les sacrifices, elle mit sa volonté sous le joug de cette vertu si agréable à Dieu.

 

Le 25 août 1671, Marguerite-Marie prenait le saint habit. «Ayant passé», dit-elle dans ses mémoires, «ayant passé mon essai avec un ardent désir de me voir à Dieu et étant revêtue de notre saint habit, mon divin Maître me fit voir que c'était le temps de nos fiançailles, lesquelles lui donnaient un nouvel empire sur moi et m'imposaient à moi un double engagement de l'aimer d'un amour de préférence. Après quoi il me fit comprendre qu'à la façon des amants les plus passionnés, il me faisait goûter dans ces com­mencements ce qu'il y avait de plus doux dans la suavité de son amour». Sur l'invitation du bon Maître elle se fit une solitude dans son cœur et y passait dans de doux entretiens tout le temps dont elle disposait. Elle goûtait tant de suavité dans ces entretiens qu'elle en ressentait une étrange confusion, craignant qu'on ne découvrît ce qui se passait en elle.

 

Ses supérieurs n'étaient pas sans inquiétude de la voir dès les commen­cements engagée dans des voies si extraordinaires. On voulut l'éprouver pour juger de son obéissance, et on lui déclara que cette façon d'oraison convenait peu à une fille de Sainte-Marie, et que si elle continuait elle ne serait pas admise à la profession. On multiplia les épreuves, mais rien n'y fit. L'humble postulante avait beau faire, elle ne pouvait se soustraire à l'action de Dieu qui absorbait toutes les puissances de son âme. Parfois, harcelée en mille manières, elle poussait vers son divin Epoux un cri de détresse. «Hélas !» lui disait-elle, «venez à moi, vous êtes la cause de ma peine». «Reconnais», lui répondait-il, «que tu ne peux faire le bien sans moi. Je ne te laisserai point manquer de secours, pourvu que tu tiennes toujours ton néant et ta faiblesse abîmés dans ma force». Elle avait cou­tume de dire que plus les humiliations sont petites en apparence, plus elles sont sensibles à la nature. Pendant huit ans elle s'efforça de vaincre une répugnance dont elle ne put triompher. Chaque fois qu'elle renouve­lait sa tentative, c'était pour elle une occasion de crises et de souffrances inouïes.

 

Enfin elle allait être admise à la profession, son obéissance à la fois si simple et si courageuse devait vaincre toutes les défiances. Pendant la re­traite qui la disposa à cette action, elle reçut de si grandes grâces de Notre-Seigneur que jamais elle nen avait senti de semblables. Il lui inspira sur­tout un ardent amour de la Croix, et lui fit connaître d'une façon merveil­leuse le mystère de sa Passion et de sa mort. Il lui parla souvent pendant cette retraite, et lui dit entre autres choses : « Voici la place de mon côté pour y faire ta demeure actuelle et perpétuelle, c'est là où tu pourras con­server la robe d'innocence dont j'ai revêtu ton âme. Tu vivras désormais de la vie d'un Homme-Dieu, tu vivras comme ne vivant plus, afin que je vive parfaitement en toi. Prends garde de te regarder toi-même hors de moi». Admise à la profession à l'unanimité des voix, elle prononça ses veux solennels le 6 novembre 1672. Jésus-Christ lui dit alors qu'elle était devenue son épouse et il inonda son âme de tous les délices du Thabor.

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