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30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 22:47

Cependant les persécutions continuaient, et Marguerite-Marie était sous le coup de perpétuelles menaces. Dieu lui envoya le Père Ignace Rolin, jésuite, pour l'aider à gravir les derniers degrés qui devaient aboutir à la paix souveraine. Il fut nommé à cette époque supérieur à la résidence de Paray. Il s'était, malgré son éminente piété, laissé surprendre, mais ses préventions tombèrent vite quand il eut vu la Bienheureuse ; il reconnut les mystérieuses opérations de Dieu en elle, et l'aida de tout son pouvoir. Ce fut sur son ordre que la Bienheureuse écrivit ses Mémoires qui la font si bien connaître et où l'on ne peut mieux faire que de puiser pour redire sa vie. Le démon en même temps redoublait ses efforts contre Marguerite-Marie. La communauté en fut plus d'une fois témoin. Elle faisait par la maison des chutes étranges et sans causes apparentes. Sa chaise plusieurs fois lui fut enlevée de dessous elle, et elle tomba violemment à la renverse. Comme on la questionnait, elle se contenta de sourire et de se rasseoir en silence. Plein de rage et de dépit de se voir toujours vaincu, un jour, son ennemi enveloppa l'église du couvent dans un si violent tourbillon que l'on crut un instant qu'elle serait renversée de fond en comble. Les visites du bon Maître étaient, en récompense, aussi fréquentes ; il se plaignait à elle du relâchement qui s'était introduit dans plusieurs maisons de la Visitation. Les manquements qui attiraient sa colère étaient le déguisement des fautes au confessionnal ; la recherche de sa propre gloire, et non celle de Dieu et la curiosité. Heureusement la plupart des maisons embrassèrent la dévotion du Sacré-Cœur et écartèrent d'elles par là la vengeance divine.

 

Si l'on n'eût jugé que sur les apparences, on n'eût pas cru prochain le triomphe du Sacré-Cœur[1], et cependant on y touchait. Déjà la Mère Saumaise à Dijon, et la Mère Greyfié à Semur avaient établi et propagé la dévotion au Sacré-Cœur dans leur couvent avant que cette dévotion fût adoptée à Paray-le-Monial. La Mère Greyfié venait d'envoyer à la Bienheureuse des images pour toute sa communauté, et de plus une jolie miniature representant le tableau qu'elle devait suspendre à son autel du Sacré-Cœur. Enfin l'heure des bénédictions sonna aussi pour Paray-le-Monial. Par une secrète puissance de la grâce un changement s'est opéré dans les cœurs, et les plus opposées jusque-là à la dévotion du Sacré-Cœur sont les premières à favoriser cette dévotion.

 

La sœur des Escures, la plus intraitable à propos du Sacré-Cœur, demanda elle-même à Marguerite-Marie l'image que la Mère Greyfié lui avait envoyée, et l'exposa elle-même le vendredi de l'octave du Saint-Sacrement sur un petit autel fait exprès et orné de fleurs.

 

Toute la communauté reconnut l'empire de ce cœur, et il fut résolu que l'on ferait peindre un tableau destiné à le représenter, et bâtir une chapelle qui lui serait consacrée. Le cœur de la Bienheureuse était inondé de la plus pure joie, et c'est alors qu'elle apparût dans toute sa grandeur et dans la pleine maturité de ses héroïques vertus. C'est à cette époque qu'après avoir consulté le Père Rolin, éloigné de la communauté, par ordre de ses supé­rieurs, elle fit le Vœu d'accomplir toujours ce qu'elle croirait le plus parfait.

 

Cependant, la chapelle destinée au Sacré-Cœur, que l'on élevait au fond du jardin, était debout, ornée de tout ce qu'une ingénieuse piété avait pu déployer de pompe et de magnificence. La dédicace se fit le 7 septembre 1688. La cérémonie dura deux heures entières, et la foule s'y porta em­pressée et nombreuse. Désormais c'était une victoire remportée, le Sacré-Cœur avait vaincu.

 

La réputation de sainteté de la Bienheureuse se répandit rapidement partout et tous les regards étaient fixés sur elle. Cela faisait grandement souffrir son humilité, mais il fallait se résigner à une célébrité qui était pour elle un vrai supplice.

 

Elle trouvait qu'elle n'avait plus rien à faire ici-bas, du moment qu'elle n'avait plus à souffrir» et elle fit savoir plusieurs fois que sa mort était proche ; c'était en 1690. Elle annonça qu'elle mourrait cette année et, en effet, dans l'automne, elle fut saisie d'un léger accès de fièvre qui excita l'inquiétude autour d'elle. C'était l'époque de la retraite, et une sœur lui ayant demandé si elle croyait pouvoir entrer en retraite : «Oui», répondit-elle, «mais dans la grande retraite». Quoique le mal allât en empirant, les médecins avaient assuré qu'elle n'en mourrait pas, et le dernier jour de sa vie personne ne pouvait croire à sa fin prochaine. Cependant ses forces baissaient rapidement et les défaillances se succédaient. S'adressant aux infirmières qui la soutenaient : «Demandez à Dieu pardon pour moi», leur dit-elle, «et aimez-le vous-mêmes de tout votre cœur pour réparer tous les mo­ments que je ne l'ai pas fait. Quel bonheur d'aimer Dieu ! Ah ! quel bonheur ! Aimez donc de cet amour, mais aimez-le parfaitement». Tout à coup elle fut prise de convulsions ; toute la communauté avertie se réunit autour d'elle ; la Bienheureuse recueillit toutes ses forces pour les exhorter à aimer Dieu sans réserve et sans partage, et elle expira après qu'on lui eut admi­nistré l'Extrême-Onction, le 17 octobre 1690. Elle avait quarante-deux ans, deux mois et quatre jours. La nouvelle de son décès se répandit rapide­ment par la ville, et on entendait partout ces mots : «La Sainte est morte ! la Sainte est morte !» La cérémonie de ses funérailles attira un concours extraordinaire.



[1] Voir dans le volume consacré aux Fêtes mobiles.

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